On veut reconstruire l'interprétation et la critique que Merleau-Ponty a faites du marxisme, en saisissant l'intuition et l'intention originaires qui les animent au long de son itinéraire philosophique et politique. Merleau-Ponty philosophe entendait rendre compte de la réalité concrète comprise comme une rencontre dialectique entre subjectivité et objectivité, rencontre dans laquelle s'établit un ordre structurel humain. Or cet ordre se fait et se défait, de sorte que la vérité ne peut se figer en dogmes mais doit exprimer le mouvement de l'histoire et se refuser à la transcender. Pour étudier les aspects sociaux et politiques de cette réalité concrète, Merleau-Ponty élut le marxisme, entendu comme modèle d'analyse concrète et compréhension véridique de l'existence sociale et politique. L'A. étudie les rapports de Merleau-Ponty avec le marxisme, en montrant comment les exigences de son dessein philosophique l'amenèrent à s'en éloigner progressivement et à découvrir la raison de sa désaffection dans la déformation de la dialectique, qui fit de la pratique communiste une praxis anti-dialectique. Dès lors, si la dialectique n'était plus la compréhension concrète de la réalité totale et l'explicitation de la coexistence intersubjective, et devenait un socialisme scientifique et donc dogmatique, le marxisme perdait le privilège que Merleau-Ponty lui avait d'abord reconnu.